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Le portail sud

09 mars 2024 
Benoit Strepenne

L’évacuation d’un lieu en cas d’incendie est une préoccupation qui ne date pas d’hier... Ainsi, la question des issues de la Basilique fera débat durant les travaux de restauration du 19e siècle. Les pélerinages sont fort courus et l’église n’a alors qu’une seule entrée/sortie: le portail ouest.

Ce seul portail ne peut suffire en cas d'évacuation d'urgence. La réouverture de portes anciennes - murées - pourrait concilier impératifs de securité et respect du bâtiment. Il faut choisir entre deux. L’une se situe dans la première chapelle latérale du côté nord du déambulatoire. Problème: elle ouvrirait dans le préau du pénitencier qui occupait alors l’ancienne abbaye. Elle a les faveurs de la Commission royale des monuments, mais est inacceptable pour le Ministre de la justice. L’autre, rejetée par la Commission, se trouve à l’extrémité du bras sud du transept.

Nous découvrons les arguments de la Commission des monuments dans le rapport d’une visite effectuée à Saint-Hubert le 27 juillet 1871 que nous citons ci-après:

« M. le Ministre de la Justice a déféré à la Commission deux réclamations relatives à l’ouverture d une porte dans l’une des nefs latérales de l'église de Saint-Hubert, porte qui donnera sur le préau de la maison pénitentiaire contiguë. Des délègués se sont rendus à Saint-Hubert le 27 juillet dernier, tant pour se rendre compte des travaux projetés que pour inspecter les travaux de restauration qui sont en cours d'exécution dans le monument précité.

La principale raison invoquée en faveur de la porte nouvelle est la nécessité d'établir un dégagement pour l'église en cas d'incendie. Ce motif parait sérieux. Il serait, sans nul doute, inutile d'établir une issue de ce côté si l'on rétablissait l'ancienne porte du transept qui s'ouvre de l'autre côté. Mais celte porte primitive, dont il serait si intéressant de rétablir les riches sculptures, a été murée à une époque très-ancienne, la décoration du mur où elle s'ouvrait a été considérablement remaniée, et cette baie ne s'accorderait plus avec la disposition actuelle ni des contreforts extérieurs, ni des arcatures qui figurent dans la décoration intérieure. Aussi avait-elle été supprimée, à ce qu’on assure, dans les dessins de la restauration projetée primitivement par feu l’architecte Dumont, dessins malheureusement perdus.

La nouvelle porte a donc une utilité incontestable au point de vue des dégagements nécessaires à l’édifice. Le travail n’en doit pas moins être approuvé si on le considère au simple point de vue de l’art. On peut s’assurer, en effet, en visitant l’intérieur de l’église, que cette porte a toujours existé. Les moulures qui l’encadrent sont de l’époque ogivale. Elle s’ouvre au milieu d’un mur décoré d’une série d’arcatures et l’arcature qui la contient est visiblement plus large que les autres.

Le Collège ne peut donc qu’approuver l’ouverture de la porte nouvelle. Quant aux inconvénients que cette issue peut offrir pour la prison, il semble qu’il serait aisé d’y remédier par un mur de clôture qui séparerait de ce côté la prison de l’église. Il est difficile, d’ailleurs, de voir dans la porte nouvelle un danger sérieux d’évasions, alors que les détenus, qu’on emploie à des travaux de culture, trouvent évidemment des occasions d’évasions plus faciles dans leurs sorties habituelles. »

C’est donc la porte nord qui sera rouverte.

Mais, nous direz-vous, il y a pourtant aujourd’hui un portail sud et, ajouterez-vous peut-être, je ne vois pas de porte nord…

C’est que, comme le dit la sagesse populaire, seuls les imbéciles ne changent jamais d’avis. Le 11 juillet 1891, vingt ans après son refus initial, la Commission approuvait la réouverture du portail sud. Il faudra encore patienter pour que le projet se concrétise. Le chantier est enfin autorisé par un arrêté royal du 18 février 1912. Un rapport d’inspection du 18 juin 1912 nous apprend qu’un quart des travaux est alors déjà terminé. Ils seront finis avant la Première Guerre mondiale, à ceci près que le portail n’accueillera jamais les statues qu’attendent les dais-socles de son pourtour, le tympan, la galerie et les contreforts.

Quant à la porte nord, inutilisée (et inutilisable), elle poursuit son existence discrète.


G. Helleputte, 18.04.1887 (relevé)

G. Helleputte, 18.04.1887 (projet)