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Un tram en hiver

18 février 2021 
Benoît Strepenne

Le tramway vicinal qui relia jusqu’à la fin des années 1950 Saint-Hubert à Poix et à Freux connut quelques mésaventures hivernales. Certaines sont relatées par André Dagant dans les articles qu’il lui a consacrés dans les tomes 2 et 3 de nos Cahiers d’Histoire.

Ainsi, en 1936, un convoi partait à la dérive sur la ligne de Saint-Hubert à Freux…

« L’hiver de 1936 avait bloqué les routes. Le tram de Freux, en bon service public, se devait de franchir les remparts de neige amoncelés sur sa voie. Le convoi, composé de la locomotive, d’une voiture et du fourgon s’ébranle donc et attaque les rampes de sortie de Saint-Hubert. Assez vite, le tapis blanc devient infranchissable. Parvenu en haut de la grande courbe précédant la route d’Hatrival, on se retrouve immobilisé dans la neige.

Le chauffeur décroche les deux wagons, tandis que M. Godfroid, chef de gare remplaçant le chef de convoi, serre les freins du fourgon. Cet allègement permet au machiniste, M. Ansiaux, de prendre de l’élan pour foncer dans la neige et se frayer un passage sur un petit kilomètre. Le garde ff reste à bord, puis, après un moment, vient s’assurer de la bonne progression des opérations. Cela n’avait rien de superflu, car les déraillements étaient fréquents lors de ces attaques en ‘bulldozer’, et les sinuosités de la voie masquaient partiellement la vue.

De son côté, bien qu’immobilisé par le frein du fourgon, le train se laissait progressivement aller à la dérive. En effet, les sabots avaient été appliqués sur des roues au préalable enduites de neige. Cette dernière fondit après avoir été laminée. Le serrage se relâcha et devint insuffisant pour retenir le convoi. La dérive inévitable dès lors ne fut pas évitée et la rame reprit ‘proprio motu’ le chemin de Saint-Hubert, prenant de la vitesse avec la pente. Le personnel, qui s’en était aperçu, poursuivit les fuyards, les rejoignit sans pouvoir les immobiliser, car il ne fut pas possible de passer de la locomotive sur la rame qui s’emballait. Une courbe, reprise à trop vive allure pour le fourgon en tête, fit dérailler celui-ci. Il culbuta littéralement, se couchant en travers de la voie et retenant de sa masse l’autre voiture. Au cours de cette voltige, la tringle de traction avait cassé fort à propos, et c’est miraculeusement que la voiture, restée seule sur les rails, enfin s’immobilisa.

Le personnel, éperdu, put y délivrer l’unique passagère, agenouillée en prières, et se préparant à un plus grand voyage. C’était l’accoucheuse qui s’en allait faire ses visites à Vesqueville… »

Récit extrait de André Dagant, « Le temps du rail à Saint-Hubert, A toute vapeur », Saint-Hubert d’Ardenne, Cahiers d’histoire, Tome II, Saint-Hubert, 1978, pp. 223 à 258.

598 St-Hubert tram 1936

En vert, les lignes de tramways vicinaux au départ de Saint-Hubert. Le point de départ de la dérive (1, altitude 435 m) et le lieu du déraillement (2, alt. 390 m) sont marqués de points jaunes. Distance approximative entre les deux points : 1250 m. Dénivelé : 45 m, soit une pente moyenne - assez constante - de 3,6 %. La ligne franchissait la crête (alt. 480 m) peu après la station de St-Roch. Voiries telles qu'en 1923.

Ancien dépôt SNCV de Saint-Hubert

Station SNCV de Saint-Hubert. Le point jaune indique le lieu du déraillement de 1936. Les pointillés orange indiquent le tracé de voiries créées après la disparition des installations (avenue des Chasseurs ardennais et voie du Tram).